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Engourdie par la chaleur équatoriale d'une fin d'après-midi, la jungle bruisse sourdement sur les flancs des collines et au fond des vallons. Au creux d'un ravin escarpé, une petite vallée s'ouvre dans l'ombre des cycias et des pandanus. C'est là, tapies dans le sous-bois baigné par l'air moite et vibrant de moustiques, que règne la race sauvage et fière des orchidées.
Elles couvrent le sol humide, pendent des lianes enchevêtrées, jaillissent des troncs moussus, déployant leurs couleurs chatoyantes dans l'air saturé par les senteurs délicates. Papillons aux ailes d'or veinulées de bleu sombre, clochettes d'argent serties de jais, iris d'opale au pupilles rubis, grelots verts marbrés de brun, pampres vermillons mouchetés de rose, draperies pourpre rehaussées de saphirs, fourrures moirées ocellées d'or, en grappes, en cascades, en bouquets, en rivières, elles s'enlacent, éclatent, coulent, ruissellent, rayonnent de lumière, d'ombre et de parfums.
Le soleil baisse à l'horizon ; ses derniers rayons filtrent sous les lourdes feuilles vertes dans le vallon secret et viennent caresser les fleurs merveilleuses. Une douce vapeur ambrée teintée de parme flotte dans la jungle. Sous les doigts dorés du soleil, les orchidées s'animent. Dans les arbres aux feuilles sombres, des paradisiers emplissent l'air du soir de leurs cris plaintifs ; leurs plumages soyeux ou métalliques éclaboussent le sous-bois. Puis, lentement, les chants se taisent un à un, les fleurs s'inclinent et la forêt s'engloutit dans la nuit.
1982
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